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La bienséance unit, la grossièreté divise

23 février 2021

Antone Martinho Trunswell est le doyen et le président du St Paul college, de l’université de Sidney. Plus précisément de la section pour les étudiants de troisième cycle, créée il y a seulement un an. Dans un article pour AEON, Martinho explique pourquoi il a décidé de conserver les normes de bienséance et l’étiquette dans l’institution, contre l’air du temps et l’avis de certains collègues.

 

Dans un college vivent des étudiants et des professeurs universitaires de différentes facultés. En plus des cours, on y développe aussi une intense activité culturelle. Dans le plus pur style britannique, en général, les colleges ont conservé un certain formalisme et une étiquette. C’était également le cas dans celui de Saint-Paul, le plus ancien d’Australie. Cependant, quand il a été décidé il y a un an d’ouvrir une section aux étudiants de troisième cycle, et d’en confier la direction à Martinho, certains collègues lui ont suggéré d’abandonner ces « vieilles traditions », au profit d’une image de « modernité ». Il a refusé.

Ce n’est pas que Martinho soit un snob, ou qu’il soit guidé par un esprit élitiste. C’est tout le contraire : à son avis, la bienséance « est un bastion contre l’une des pulsions les plus désagréables de l’homme, et elle agit comme un vaccin contre notre tendance la plus dangereuse : créer des groupes exclusifs ». Rien de plus démocratique et inclusif donc que la bienséance.

Selon Martinho, la grossièreté est l’un des défauts dominants de notre société, et la faute en revient en partie à la disparition de la bienséance dans notre vie quotidienne. « Le siècle passé a favorisé les libertés individuelles. Grâce à la libéralisation, chacun peut s’habiller, se comporter à table et parler comme il veut. Le problème, c’est que ce “comme il veut” a débouché presque toujours sur la même chose : la vulgarité. » Par contre, selon Martinho, l’étiquette contribue à traiter les choses et les personnes d’une manière moins frivole et plus respectueuse.

Loin de constituer un corset qui bride la spontanéité, la bienséance crée un climat dans lequel on peut se fréquenter d’égal à égal, indépendamment de la condition personnelle de chacun (âge, sexe, culture) et des affinités idéologiques. Selon Martinho, si la grossièreté est la marque de notre époque, la polarisation — la division en groupes de nous contre vous — l’est encore davantage. A son avis, ces confrontations naissent de notre tendance naturelle au tribalisme, qui nous pousse à exagérer ce qui nous différencie des autres, en voyant les propres caractéristiques comme exclusives. Par contre, « la bienséance nous offre une réalité inoffensive autour de laquelle on peut former un groupe inclusif : il suffit de respecter certaines normes et nous nous sentons d’emblée égaux ». Ces règles sont accessibles à tous. Tout le monde peut les apprendre.

La bienséance n’est pas une affaire de riches. De fait, comme remarque Martinho, actuellement les clubs sociaux de gens nantis ont tendance à abandonner l’étiquette et leurs activités dégénèrent souvent en réunions frivoles. Par contre, certaines organisations formées par des personnes de classe sociale plus modeste la conservent et la défendent, car pour elles, la bienséance représente une occasion de diluer les différences qui les séparent de ceux « d’en haut ».

Les universités anciennes savaient cela aussi. C’est de là que vient le fait que les colleges conservaient le protocole et les formes. Martinho a décidé il y a un an de conserver cette tradition dans son college : « Il en a coûté de convaincre les étudiants, et encore davantage les professeurs résidents, mais ce fut la bonne décision, et je sais que Saint-Paul est meilleur pour cette raison. Dans cette université moderne, mes étudiants et professeurs procèdent de contextes économiques, politiques, culturels et religieux très différents. Aucune de ces caractéristiques n’agit comme facteur d’inclusion. Mais la vie du college, la courtoisie avec les autres résidents, leur donne un sentiment d’appartenance. »

Source: https://www.aceprensa.com/sociedad/cuidar-las-formas-para-ganar-en-inclusividad/. Il a été publié sous le titre “Cuidar las formas para ganar en inclusividad” (Veiller aux formes pour gagner en inclusivité). Cet article est un résumé de l’article original : We need highly formal rituals in order to make life more democratic | Aeon Ideas. Ce texte a été traduit de l’espagnol par Stéphane Seminckx.