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Avons-nous encore le droit d’être imparfaits ?

16 juin 2017

 

Le remboursement d’un nouveau test de dépistage du syndrome de Down soulève un grand nombre de questions éthiques. À court terme, cela semble une bonne idée de rembourser le DPNI (diagnostic prénatal non invasif) ; mais à long terme, cela risque de faire peser de lourdes pressions sur les futurs parents. Luc Van Gorp frémit à l’idée que les gens ne puissent bientôt plus avoir de défauts.

 

Un test DPNI (presque) gratuit pour toutes les femmes enceintes. En ces temps d’austérité, cela semble très généreux. Mais permettez-moi de me montrer critique. À court terme, un remboursement généralisé peut sembler une bonne chose ; à long terme, cela me préoccupe beaucoup. Manifestement, notre société estime que les enfants atteints de trisomie 21 n’ont plus leur place en son sein.

Le diagnostic prénatal non invasif (DPNI) est un test sanguin innovant capable de dépister les anomalies chromosomiques les plus fréquentes chez le fœtus, dont le syndrome de Down. À compter du 1er juillet, le test — qui coûte actuellement 290 euros — sera remboursé (presque) intégralement. Les femmes enceintes qui bénéficient de l’intervention majorée ne paieront plus rien, tandis que les autres devront débourser tout au plus 8,68 euros. J’ai été surpris de lire dans ce journal que la ministre Maggie De Block (Open VLD) n’a pas attendu la concertation au sein du Comité de l’assurance de l’INAMI pour prendre la décision de généraliser le remboursement (De Standaard, 29 mai).

Une pente savonneuse

Entendons-nous bien : je n’ai absolument rien contre le DPNI. Notre mutualité était également en faveur d’un remboursement du test pour les grossesses à risque, la fiabilité de ce dépistage étant particulièrement élevée. Qui plus est, il exclut tout risque de fausse couche, ce qui n’est pas le cas de l’amniocentèse. C’est pourquoi je suis favorable à un remboursement du test, à condition que les femmes enceintes soient correctement informées au préalable.

En même temps, il y a quelque chose qui me dérange énormément. Car lorsqu’on considère la question sur le long terme, cela suscite de sérieuses préoccupations concernant notre société. On a beau mettre l’accent aujourd’hui sur la liberté de choix des futurs parents, qui peut garantir que cette décision sera réellement libre ?

Une généralisation du DPNI aura indéniablement pour effet de diminuer le nombre de naissances d’enfants atteints du syndrome de Down. Si une mère apprend à la suite d’un tel test que son enfant est atteint de ce syndrome, quelle décision va-t-elle prendre ? Elle devra avoir un caractère bien trempé pour oser mettre au monde un tel enfant. Si tout cela ne sera sans doute pas exprimé explicitement, il est clair que la société exercera des pressions toujours plus fortes pour que l’on mette un terme à ces grossesses.

On dirait que la société décide à la place de l’individu d’exclure les enfants trisomiques. Les parents devront à la longue justifier leur choix et ceux qui décident de laisser vivre un enfant trisomique risquent fort d’être montrés du doigt.

Par conséquent, la généralisation du remboursement du DPNI soulève de nombreuses questions éthiques. Car nous nous aventurons ainsi sur une pente savonneuse. D’autres tests suivront plus tard pour dépister d’autres handicaps. Ou pour pronostiquer si une personne souffrira durant sa vie de problèmes psychiques. Allons-nous aussi rembourser ces tests et laisser aux parents le choix de poursuivre ou non la grossesse ?

Utopie

Je frémis à l’idée que les gens soient condamnés à la perfection. On nous fait croire que l’homme peut être parfait, mais c’est une utopie. Tout le monde est limité. Quelles que soient les bonnes intentions qui motivent le remboursement du DPNI, si nous n’osons pas engager un débat éthique sur la question, nous commettons une négligence coupable.

Pour la Mutualité chrétienne, cela ne fait en tout cas aucun doute. À nos yeux, l’homme est un être essentiellement vulnérable. Et nous sommes tous dans cette situation. C’est pourquoi nous estimons qu’il est urgent de mettre sur pied une commission d’éthique au sein de l’INAMI, afin de défendre les intérêts de cet homme vulnérable. Car notre société n’a pas le droit de décider qui peut vivre ou non.

Luc Van Gorp est président de la Mutualité chrétienne. Son article d’opinion a été publié le 29 mai 2017 dans le quotidien De Standaard, sous le titre « La perfection n’existe pas ». Source : http://www.standaard.be/cnt/dmf20170529_02903371. Ce texte a été traduit du néerlandais par Pierre Lambert.