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Quelques fausses « bonnes » raisons de ne pas vouloir être mère au foyer

16 février 2021

 

Jusqu’il y a une vingtaine d’années, le parti écologiste flamand Groen s’appelait Agalev : Anders Gaan Leven (changer sa façon de vivre). Aujourd’hui, les femmes au foyer pourraient créer un syndicat sous le nom Agaden : Anders Gaan Denken (changer sa façon de penser).

 

En effet, choisir de devenir mère au foyer demande de tordre le cou à certains clichés bien ancrés dans notre société. Cet article se propose de réfuter cinq « bonnes » raisons pour une mère de ne pas se consacrer à plein temps à sa famille.

1. Un diplôme décroché pour rien

Un diplôme universitaire jeté à la poubelle ? Des études qui coûtent cher à la société, mais qui ne lui rapportent rien parce que les connaissances acquises ne sont pas directement exploitées ? Un titre universitaire qui dévalue à mesure que l’on tarde à réintégrer le marché de l’emploi ?

Tout dépend de la perspective que l’on adopte.

Les études universitaires ne servent pas nécessairement à « apprendre un métier » ; elles peuvent aussi répondre à une aspiration à s’instruire et à se cultiver, sans viser des résultats immédiats.

L’anecdote suivante que m’a rapportée une amie, elle-même fille de professeur universitaire, en fournit une illustration éloquente.

Son arrière-grand-père estimait que ses filles, qui étaient appelées à élever leurs enfants et à prendre soin de leur foyer, devaient faire des études universitaires pour mener à bien leur mission d’éducatrices, tandis qu’il souhaitait que ses fils aillent à une haute école pour apprendre un métier. En 1923, sa fille aînée fut l’une des premières étudiantes à s’inscrire à l’université de Louvain…

Quel est en fin de compte le but de notre système éducatif ? S’agit-il de forger l’âme et l’esprit ou de préparer les jeunes à intégrer le marché du travail ?

Pendant des siècles, l’éducation a poursuivi ce premier objectif. Le mot « école » est dérivé du grec « scholè », qui signifie « temps libre » ou « loisir », c’est-à-dire les activités auxquelles on s’adonne lorsqu’on ne doit pas exécuter de travail manuel, ou encore le temps que l’on consacre à étudier les choses qui comptent le plus dans la vie. Ce n’est qu’assez récemment, avec la logique industrielle apparue au XIXe siècle — où l’on considérait du devoir de l’État de transformer les citoyens en des espèces de machines productives — que l’on s’est mis à insister sur la dimension pratique de l’enseignement, destiné à transmettre un savoir directement applicable et rentable. Il n’empêche que l’apprentissage d’un métier a toujours été considéré comme une forme inférieure d’éducation, étant donné qu’il ne portait pas sur les valeurs fondamentales que sont la vérité, la bonté et la beauté.

On remarque ici à quel point notre société est pétrie d’esprit utilitariste. Aujourd’hui, la valeur d’une chose se mesure uniquement à l’aune de son « utilité ». En l’espèce, un diplôme universitaire n’a de valeur que s’il permet d’obtenir un poste prestigieux ou un salaire plus élevé. Selon cette logique, la femme ne vaut pas plus que son salaire, c’est-à-dire ce qu’elle « rapporte » sur le plan économique.

Le christianisme voit les choses différemment : « Mais la bonté et la perfection de l’homme ne consistent qu’en ce qui est caché au-dedans. Toute la gloire de la fille du roi vient du dedans (Ps 44, 14). » (Alphonse Rodriguez, Pratique de la perfection chrétienne)

Il est d’une importance cruciale que les enfants soient élevés par des mères prônant des valeurs et de profondes convictions, dotées de sagesse et de bien d’autres vertus, et possédant un vaste bagage intellectuel. Rappelez-vous la haute estime que la société avait autrefois pour la profession d’enseignant…

Il faut penser avant tout au bien des enfants, qui sont l’avenir de notre société.

2. Bonjour le gaspillage de talents

À l’heure actuelle, on reproche aux mères qui sacrifient leur carrière pour leurs enfants de dilapider leurs talents. Pour nos contemporains, c’est une évidence.

Pourtant, Anthony Esolen a démontré avec brio toute la perversité d’un tel raisonnement dans son livre Out of the Ashes: Rebuilding American Culture.

Il invite ses lecteurs à la réflexion. Imaginons un cordon-bleu qui décide d’exploiter ses talents pour ouvrir un restaurant, à grand renfort de marketing. Voilà une femme qui mériterait nos applaudissements et toute notre estime. Ou supposons qu’une femme douée pour la couture décide de lancer sa propre collection, ou qu’une autre dotée d’une voix magnifique se lance dans une carrière lucrative de diva, récoltant les hourras du public et les téléchargements sur Spotify. De nouveau, ces femmes forceraient notre admiration par l’usage qu’elles font de leurs talents. Mais prenons maintenant le cas d’une femme qui, excellant dans tous ces domaines, déciderait de réserver ses dons aux personnes qui lui sont les plus chères : son mari et ses enfants. Nous aurions vite fait de la regarder de haut en pensant : quel gâchis !

En d’autres termes, la société nous incite à mettre à contribution nos talents pour gagner de l’argent ou récolter les honneurs (réputation, prestige), le tout au grand jour. Mais elle réprouve toute personne qui exploite ses dons pour ses proches, considérant cela comme du gaspillage.

3. L’aspect financier

Le défi que représente pour une famille de vivre d’un seul salaire mériterait un billet séparé sur ce blog, sans parler de l’enseignement à domicile. Malheureusement, force est de constater que de nombreuses mères (je pense à certaines femmes immigrées et sans diplôme de mon entourage) ne peuvent pas choisir de rester à la maison pour des motifs économiques.

Mais ici, je voudrais lancer un appel à la générosité. Pourquoi ne pas sacrifier un peu de son confort financier pour obtenir quelque chose d’unique en retour : le temps passé avec ses enfants ?

Il est évident que cela exige de bien réfléchir à ce que l’on dépense. Il serait regrettable de se mettre dans une position où l’on ne saurait se permettre de renoncer au salaire de l’un des conjoints, par exemple à cause d’un emprunt excessif ou de nouveaux investissements (qui nous priveraient de toute marge d’action). Mais même en de telles circonstances, on peut encore s’en sortir avec un peu de créativité.

Rappelons-nous la promesse du Christ : « Donnez, et il vous sera donné : on versera dans votre sein une bonne mesure, tassée, secouée, débordante. Car on mesurera pour vous avec la mesure dont vous vous serez servis. » (Lc 6, 38)

4. Je n’obtiens aucune reconnaissance

Il y a des jours où le manque de reconnaissance pour le travail que l’on accomplit, voire son dénigrement par la société, et son apparente insignifiance s’avèrent particulièrement pénibles.

Dans pareille situation, il est bon de se souvenir que nous attendons notre récompense du Seigneur. Travailler sans rien recevoir en retour (reconnaissance, argent, gratitude), c’est travailler avec foi.

« Mais, quand tu reçois, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles. Tu pourras te féliciter de ce qu’ils ne peuvent te le rendre, car cela te sera rendu à la résurrection des justes. » (Lc 14, 13-14)

Je me souviendrai toujours de ce que m’a répondu un professeur de Louvain à qui je demandais conseil. Il était bien conscient de la « croix » que pouvait représenter un manque de reconnaissance publique pour les mères choisissant de rester à la maison :

« À ce moment-là, on ne publie plus rien et cela a des conséquences néfastes sur sa vie publique… Un jour, je me suis plaint à un ami que mon meilleur article, paru dix ans plus tôt, avait été lu par moins de dix personnes. Il m’a alors rétorqué que sa mère, elle, avait préparé de la soupe tous les jours sans que plus de trois personnes le sachent. »

Citons une fois de plus notre divin Sauveur : « Faites le bien, et prêtez sans rien espérer. Votre récompense sera grande : vous serez ainsi les fils du Très-Haut, qui est bon pour les ingrats et les méchants. » (Lc 6, 35)

5. C’est au-dessus de mes forces

Cette crainte ne m’a pas quittée pendant tout le temps où je mûrissais ma décision de devenir femme au foyer. Et j’ai bien dû constater qu’elle était fondée, car c’est la chose la plus difficile que j’aie jamais faite dans ma vie.

Une fois encore, la confiance dans le succès d’une telle entreprise est une question de foi. Lorsque Dieu appelle, il donne aussi la grâce pour vivre pleinement la vocation reçue.

À cet égard, le prêtre français Jacques Philippe fait une comparaison très parlante. Dans son petit ouvrage sur la paix intérieure, il compare la confiance en Dieu à la situation d’un parachutiste : il doit se décider à sauter pour se rendre compte qu’il est soutenu par les cordes du parachute. Autrement dit, nous ne pouvons faire l’expérience de l’aide de Dieu que si nous lui donnons d’abord la possibilité de se manifester.

Si nous nous abandonnons entre ses mains.

Dans l’un de ses podcasts, Danielle Bean (elle-même mère au foyer pendant de nombreuses années) confie qu’elle commence toujours sa journée en récitant le verset biblique « Je puis tout par celui qui me fortifie. » (Ph 4, 13).

Jésus ne mâche pas non plus ses mots : « Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera. » (Lc 9, 24)

Alors… que pouvons-nous conclure de toutes ces considérations ? Je laisse le mot de la fin au professeur de Louvain.

« Faire le choix entre (un autre engagement, NDLR) et la famille ne me semble pas si difficile. Être mère et épouse est le summum, mais il ne s’agit pas seulement de revendiquer un titre. Il faut le mériter auprès de Notre Seigneur. Le travail d’une femme au foyer nécessite aussi des années d’études et d’efforts. Mais… prier, étudier, parfaire ses compétences et éprouver une grande joie à la maison est bien plus important (que tout autre engagement). »

Linde Declercq (1990) est titulaire d’un master en droit et mère au foyer. Elle tient un blog sur www.onsthuis.org, où cet article a initialement été publié, avec l’avertissement suivant : « L’intention de ce blog n’est en aucun cas de décourager ou de dissuader les mères de travailler. Il vise à apporter une réponse au manque actuel de reconnaissance pour leur rôle au sein du foyer. » Ce texte a été traduit du néerlandais par Pierre Lambert.