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Lever le secret de la confession ?

4 mai 2011

Le secret de la confession est inviolable. Le code de droit canon est très clair sur ce point. Kurt Martens, canoniste, l’a encore répété dernièrement dans les colonnes du quotidien De Standaard.

 

 

Avez-vous déjà entendu parler de saint Jean Népomucène ? Les personnes qui connaissent Bruges l’on certainement déjà vu : sa statue orne le pont Népomucène, situé entre la Wollestraat et le quai du Dijver. Le saint est couronné d’une auréole à cinq étoiles, chacune représentant une lettre du mot latin « tacui » (je me suis tu). Saint Jean, confesseur de la reine de Bohème, refusa de dévoiler au roi, son mari, la moindre chose que sa femme lui avait confiée en confession. Le roi le fit jeter par-dessus le pont Charles dans la Vltava pour qu’il s’y noie. Il fut nommé patron des confesseurs parce qu’il avait défendu le secret de la confession au prix de sa vie.

Lors de sa première intervention publique depuis sa démission le 23 avril 2010, l’ancien évêque de Bruges, Roger Vangheluwe, a déclaré qu’il avait confessé les faits à son confesseur. Ces propos ont immédiatement donné lieu à toutes sortes de spéculations sur l’identité de ce confesseur. Certains médias se sont lancés fébrilement à la recherche du prêtre en question et le parquet s’est dit intéressé à connaître son nom. C’est pourquoi il n’est pas inutile de rappeler quelques principes concernant le sacrement de la confession.

La confession, comment ça marche ?

Le secret de la confession est absolu et a pour but de protéger le sacrement. Dans ce sacrement de la confession ou, mieux dit, de pénitence et de réconciliation, les personnes qui, après avoir reçu la grâce du baptême, ont péché (gravement) peuvent se convertir, recevoir le pardon de Dieu et se réconcilier avec l’Église. Les péchés causent d’ordinaire du tort au prochain, et c’est pourquoi l’on doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour le réparer. L’absolution donnée pendant la confession enlève le péché, mais cela ne suffit pas pour autant : le préjudice causé par le péché n’est pas encore réparé. Le pécheur doit encore faire quelque chose pour réparer ses péchés : il doit « satisfaire » ou « expier » ses péchés. Cette satisfaction s’appelle aussi « pénitence ». La pénitence est imposée par le confesseur et doit tenir compte de la situation personnelle du pénitent. Elle doit chercher son bien spirituel et correspondre à la gravité et à la nature des péchés commis. Par ailleurs, le confesseur doit aussi rappeler au pénitent quels sont ses devoirs et ne peut accorder l’absolution à la légère.

Il est incontestable que le sacrement de pénitence est une question délicate, mais c’est en même temps un ministère éminent. C’est précisément ce qui explique l’existence du secret de la confession. Le code de droit canon est très clair sur ce point : le secret de la confession est inviolable. Le confesseur ne peut en aucune manière ni pour quelque raison que ce soit révéler la moindre chose sur le pénitent. Il ne peut pas faire mention des connaissances que la confession lui donne sur la vie de ses pénitents. Ce secret reste en vigueur même lorsque la confession ne s’achève pas immédiatement par l’absolution. Mais il y a plus encore : un interprète éventuel ou toute autre personne ayant pris connaissance d’une quelconque manière de péchés accusés en confession sont également tenus de garder ce secret.

La violation du secret de la confession entraîne des peines sévères : le confesseur qui viole directement ce secret encourt l’excommunication « latae sententiae » (encourue ipso facto). Si le confesseur viole ce secret seulement de manière indirecte, il doit être puni selon la gravité du délit. Qui plus est, cela ne vaut pas uniquement pour le confesseur : l’interprète ou tout qui aurait surpris par hasard une confession et qui viole le secret doit recevoir une peine proportionnée, qui peut aller jusqu’à l’excommunication. On parle de violation directe du secret de la confession lorsque le nom du pénitent et ses péchés sont dévoilés ou peuvent facilement être découverts à cause de l’indiscrétion du confesseur. Cette violation est dite indirecte lorsque le danger existe que l’identité du pénitent et les péchés de celui-ci soient dévoilés.

Conspiration du silence

L’Église accorde une très grande importance au secret de la confession, à tel point que la violation directe ou indirecte de celui-ci par le confesseur sont définies depuis 2001 comme de graves délits contre la sainteté du sacrement de pénitence, dont le traitement est par conséquent réservé au jugement de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Autrement dit, les abus sexuels commis sur des mineurs ne sont pas les seuls délits réservés, mais c’est aussi le cas de la violation du secret de la confession. Qui touche à ce secret, porte en effet atteinte à l’un des sept sacrements et, partant, aux fondements mêmes de l’Église. Il ne s’agit donc pas seulement d’une affaire interne : l’on touche ici à l’essence de la liberté de religion. Parler dans ce contexte d’une conspiration du silence prouve un manque total de compréhension de ce qui est en jeu.

En admettant que l’on trouve le confesseur de Roger Vangheluwe, cela ne changerait rien à la donne : l’homme ne peut ni infirmer ni confirmer qu’il a été son confesseur. Tout prêtre à qui l’on poserait cette question pourrait tout au plus répondre qu’il ne peut rien dire à ce sujet. Rien de plus. Tout le reste est pure spéculation.

Kurt Martens est rattaché en tant que canoniste à la Catholic University of America à Washington D.C. Cet article est paru dans l’édition du 20 avril 2011 du quotidien flamand “De Standaard”. Nos remerciements à l’auteur et au journal pour leur aimable autorisation de publier ce texte sur didoc.be. La traduction française a été réalisée par Pierre Lambert.