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Dix ans d’euthanasie en Belgique

31 mai 2012

Le 28 mai 2002, la Belgique votait la dépénalisation de l’euthanasie, peu après les Pays-Bas et quelques années avant le Luxembourg. L’Institut Européen de Bioéthique a publié récemment un bilan de ces dix premières années d’euthanasie en Belgique. Nous en offrons ici un résumé.

La loi de 2002 voulait offrir un cadre et une sécurité juridiques pour la pratique de l’euthanasie, comprise comme le fait de donner intentionnellement la mort à une personne qui en fait la demande. La loi a également prévu une « Commission fédérale de contrôle et d’évaluation », qui doit assurer le respect des strictes conditions prévues par la loi.

Entre septembre 2002 et décembre 2009, il y a eu 3451 euthanasies déclarées en Belgique. Le chiffre annuel est en constante augmentation. Mais comment la loi a-t-elle été appliquée depuis qu’elle a été votée ?

La mission de contrôle de la Commission fédérale est inefficace

Dès son premier rapport, cette Commission a fait aveu d’impuissance : alors que l’un des objectifs déclarés de la loi était de sortir l’euthanasie de la clandestinité, la Commission doit bien avouer qu’elle est incapable d’évaluer le nombre réel d’euthanasies pratiquées. Elle dépend du bon vouloir des médecins à l’heure de remplir les déclarations obligatoires d’euthanasie pratiquée. Jamais cette Commission n’a envoyé un dossier au parquet, pour non-respect des conditions imposées par la loi pour la pratique de l’euthanasie. Il faut bien reconnaître que le contraire eut été étonnant : un médecin qui ne s’est pas conformé aux conditions légales va-t-il s’incriminer lui-même en remplissant la déclaration « obligatoire » d’euthanasie ?

La loi est interprétée de façon très libre

Selon la loi, l’affection pour laquelle l’euthanasie est pratiquée doit être grave et incurable. Dans la pratique, la Commission avalise des cas d’euthanasie pratiquée pour des pathologies non terminales, qui ne sont pas graves en elles-mêmes.

La Commission renonce aussi à vérifier si les souffrances du malade euthanasié étaient insupportables et inapaisables, deux caractéristiques expressément exigées par la loi.

Alors que, dans les travaux préparatoires et dans le texte de la loi, il est exclu de pratiquer l’euthanasie pour une souffrance purement psychique, la Commission l’admet sans sourciller (cas de malades dépressifs ou déments ou de personnes placées simplement devant la perspective d’une évolution dramatique future).

Enfin, des cas de suicide médicalement assistés sont considérés par la Commission comme des cas particuliers d’euthanasie, alors que cette possibilité n’est pas prévue par la loi.

La délivrance des produits euthanasiants par les pharmaciens

La loi prévoit des conditions très strictes de délivrance des substances létales destinées à pratiquer l’euthanasie. Aucun contrôle de ces conditions n’est effectué.

Les conséquences de l’absence de contrôle

L’acte euthanasique, qui nous avait été présenté en 2002 comme le fruit d’une procédure stricte et contrôlée, devient un geste chaque fois plus banal. Il n’y a aucune réaction devant les abus évidents et la loi est interprétée de façon chaque fois plus large.

Il n’y a plus de débat sur l’euthanasie, car la question est confisquée par les membres de l’ADMD : avec les subsides de la Région Wallonne, ceux-ci travaillent à des programmes de formation des médecins généralistes, visant à modifier la perception de leur métier en faveur d’une application extensive de l’euthanasie ; ils sont largement représentés dans la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation et interviennent un peu partout comme « experts » de la question.

On va vers une confusion chaque fois plus grande des termes. Ainsi présente-t-on aujourd’hui l’euthanasie comme l’une des possibilités offertes dans le cadre de soins palliatifs dits « intégraux », ce qui est tout à fait contradictoire.

Une nouvelle pratique tend à accompagner la demande d’euthanasie d’un formulaire de don d’organes à remplir par le patient. Ne risque-t-on pas d’exercer ainsi une pression sur le patient visant à lui donner la mort sous un prétexte altruiste ?

Enfin, on évoque chaque fois plus un soi-disant « état de nécessité » qui justifierait d’abréger la vie de quelqu’un qui ne peut en formuler la demande (nouveau-nés, jeunes enfants, adultes inconscients n’ayant pas fait de déclaration anticipée), conférant ainsi un pouvoir arbitraire au personnel médical, en dehors de toute disposition légale.

Conclusion

La loi de dépénalisation de l’euthanasie est un texte pénal. Comme tout texte de ce genre, elle doit être de stricte interprétation, sous peine de se voir vidée de sa substance. La Commission de contrôle n’est pas habilitée à donner une interprétation plus large de la loi. On peut même légitimement se demander à quoi peut servir une Commission qui exerce un contrôle a posteriori.

Le législateur devrait reprendre sa place et se faire l’écho de l’appel récent de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en faveur de l’interdiction absolue de l’euthanasie.

On peut trouver le texte complet du dossier de l’Institut Européen de Bioéthique à l’adresse suivante : http://www.ieb-eib.org/fr/document/euthanasie-10-ans-apres-la-depenalisation-286.html. Il contient les sources des affirmations recueillies dans ce résumé.

Stéphane Seminckx est prêtre, docteur en médecine et en théologie.