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Divorcés remariés, l’Eglise vous aime !

12 décembre 2011

L’archevêque de Malines-Bruxelles offre ici un excellent résumé de la doctrine de l’Eglise sur ce point délicat.

 

 

Aider les divorcés remariés

Si l’échec conjugal en général est déjà le lieu de profondes souffrances, le problème des divorcés remariés est peut-être plus délicat encore. En effet, quelles que soient les raisons, parfois si compréhensibles, qui les ont amenés à contracter civilement une nouvelle union, il reste que leur situation contredit objectivement l’indissolubilité de l’alliance voulue par le Christ. Dans le sillage de la miséricorde évangélique, l’Eglise invite cependant ses membres à aider les divorcés remariés, à les entourer de beaucoup de charité afin qu’ils ne se sentent pas séparés de l’Eglise. Dans son Exhortation apostolique sur la famille chrétienne, Jean-Paul II insistait beaucoup sur ce point : « que l’Eglise prie pour eux, qu’elle les encourage et se montre à leur égard une mère miséricordieuse, et qu’ainsi elle les maintienne dans la foi et l’espérance » (§ 84, 3).

Ils peuvent et doivent participer à la vie de l’Eglise

Comme tous les autres baptisés, les divorcés remariés peuvent donc et même doivent participer à la vie de l’Eglise sous ses divers aspects. Ils ne sont en aucune manière excommuniés ! Ils éviteront cependant de solliciter des tâches qui les mettraient en position délicate de porte-à-faux, comme l’enseignement de la religion, par exemple, ou la direction d’une école catholique.

Le problème le plus délicat reste, bien sûr, celui de la participation au sacrement de l’Eucharistie. L’Eglise demande en effet aux divorcés remariés de participer à la messe, mais de s’abstenir de communier au Corps du Seigneur. La raison de cette attitude est connue. Les divorcés remariés se trouvent en situation objective de rupture avec l’Alliance nouvelle et éternelle proclamée par le sacrement de mariage. Comment pourraient ils, sans contradiction, proclamer en même temps cette même Alliance nouvelle et éternelle dans la réception du Corps eucharistique du Seigneur ?

Adopter un point de vue objectif

Cela semble choquant à première vue. C’est qu’il n’est pas facile, dans la mentalité d’aujourd’hui, d’adopter un point de vue « objectif ». L’Eglise connaît ses enfants. Elle sait très bien que les dispositions subjectives des divorcés remariés peuvent être parfois excellentes, voire plus généreuses que celles de couples réguliers, mais médiocres. Mais qu’arriverait-il si, au nom de ces dispositions subjectives louables, l’Eglise oubliait la contradiction objective entre le remariage après divorce et l’Eucharistie ? Elle rendrait incompréhensible et vain l’enseignement du Christ sur l’indissolubilité du mariage et démobiliserait, voire découragerait les chrétiens qui s’efforcent, au prix de grandes souffrances, de demeurer fidèles à l’alliance conjugale, même après avoir été victimes d’une douloureuse trahison.

Et les autres situations où communier est un scandale ?

On objectera qu’il y a bien d’autres situations où des chrétiens violent l’alliance avec le Seigneur et feraient mieux de ne pas communier. C’est tout à fait vrai. Beaucoup se scandalisent — et ils n’ont pas tort — de voir s’approcher de la communion des baptisés connus pour leur comportement moral, social, économique ou politique contestable. Par exemple, des personnes vivant manifestement en concubinage sans être mariées ou des personnes malhonnêtes en affaires, etc. Par son enseignement, l’Eglise doit éclairer la conscience de ces personnes et les avertir de la nécessité de la conversion et du pardon avant de recevoir le Corps du Christ. Car Jésus se donne aux pécheurs, mais toujours en demandant au préalable la conversion profonde du cœur. N’oublions pas non plus que communier n’est pas une démarche religieuse privée, soumise à la seule règle de notre conscience personnelle, mais un acte public comportant des exigences objectives et régi, dès lors, par la discipline commune de l’Eglise.

Bien distinguer un « comportement » d’une « situation »

Il y a cependant une différence entre la situation des divorcés remariés et les cas évoqués à l’instant, à savoir la distinction entre une situation objective durable et un comportement. L’Eglise ne peut pas commencer à juger du « comportement » personnel de chacun, en disant : « Toi, tu peux communier, et toi, non ». Elle doit bien s’en remettre ici à la conscience personnelle de chacun, tout en cherchant à l’éclairer. Qui sait si, entretemps, la personne au comportement mal famé ne s’est pas amendée, n’a pas décidé de changer de vie ?

Dans le cas des divorcés remariés, il ne s’agit pas seulement d’un « comportement » dont on pourrait changer du jour au lendemain ; il s’agit d’une « situation de fait », habituellement appelée à durer. Et, par surcroît, il s’agit d’une situation qui, de manière plus directe qu’une autre, porte atteinte au mystère de l’Alliance.

En demandant aux divorcés remariés de ne pas communier, l’Eglise ne se prononce donc pas sur leurs dispositions intérieures — qui peuvent être excellentes — mais prend en considération la contradiction durable de leur situation objective d’alliance rompue avec le sacrement eucharistique de l’Alliance. Bref, impossible de proclamer publiquement l’Alliance par la communion eucharistique tandis qu’on la renie publiquement par l’infidélité à l’alliance conjugale telle que Jésus la veut.

Pas de sanction discriminatoire !

A noter que cette abstention de la communion n’est pas à comprendre comme une « sanction » de la part de l’Eglise. Ce sont les chrétiens eux-mêmes qui se mettent en situation de porte-à-faux par rapport à la communion au Corps du Christ en s’engageant dans une union civile (ou un concubinage) qui contredit l’alliance conjugale indissoluble. En se mariant sacramentellement, on s’était engagé à être fidèle à l’autre pour le meilleur et pour le pire et l’on avait ratifié l’indissolubilité du mariage chrétien avec toutes ses conséquences. Celui donc qui, malgré tout, se remarie civilement (ou vit en concubinage) après un divorce ou, étant libre, épouse une personne divorcée, fait lui-même un choix qui l’établit de manière durable dans une situation qui l’écarte de la pleine communion au sacrement eucharistique de l’Alliance.

Une autre manière de communier au Seigneur

Est-ce à dire que les divorcés remariés sont privés de la grâce du Seigneur ? En aucune manière. La communion eucharistique est le moyen habituel de communier ici-bas à l’amour de Jésus pour nous. Mais Dieu n’est pas prisonnier des sacrements de son amour. Qu’est-ce, en effet, que communier sinon rencontrer l’amour crucifié du Seigneur et avoir part à son fruit de vie ? Les divorcés remariés sont invités à cette rencontre et à cette participation à travers leur abstention même de la communion.

A ces chrétiens et à ces chrétiennes, souvent marqués profondément par l’échec de leur premier mariage, Jésus dit : « Toi, mon frère, toi, ma sœur, c’est dans le renoncement à la communion que tu communieras à ma croix et à ma résurrection. Accepte cette souffrance par amour pour moi et par respect de mon alliance d’amour, et moi, ton Seigneur et ton Dieu, je trouverai bien les moyens de te réconforter et de te combler autrement. Mets ta confiance en moi et en mon Eglise. »

Je suis personnellement témoin des fruits de sainteté portés dans la vie de divorcés remariés qui, lors de la messe, viennent se faire bénir au moment de la communion, ne reçoivent pas l’hostie, mais communient au Seigneur spirituellement de manière intense.

Les ressources de la miséricorde

La même chose vaut pour le sacrement de la réconciliation. Celui-ci ne peut être accordé aux divorcés remariés que s’ils se repentent d’avoir violé l’alliance et sont disposés à adopter une forme de vie qui ne contredise plus l’indissolubilité du mariage. Comme, dans de nombreux cas, les divorcés remariés ne peuvent se séparer, compte tenu de la présence des enfants, cela impliquerait qu’ils décident de vivre désormais comme frère et sœur, en s’abstenant des actes spécifiques de l’union conjugale.

Il est clair que seuls des chrétiens très motivés, menant une vie spirituelle intense, pourront s’engager dans cette voie exigeante. Les autres — qui sont l’immense majorité — ne sont pas pour autant privés de la miséricorde de Dieu. Car, ici à nouveau, le Seigneur n’est pas prisonnier de ses sacrements. La confession est, certes, la voie normale de la réconciliation, mais à ceux qui ne peuvent s’approcher de ce sacrement en raison de leur situation conjugale fausse, le Seigneur réserve d’autres sources de pardon pourvu que leur cœur reste généreusement ouvert à sa grâce.

Quand j’accueille ces frères et sœurs lors de célébrations pénitentielles, je me place donc, avec eux, devant le Seigneur et prie ainsi : « Seigneur, tu sais que mon frère (ma sœur) ne peut recevoir maintenant l’absolution qui rétablit dans la pleine communion de l’Eglise. Mais ton cœur est plus grand que tout et n’est prisonnier de rien. Je t’en prie : achève en mon frère (ma sœur) comme en moi l’œuvre de notre conversion. Viens donc apporter à mon frère (ma sœur) toutes les grâces de pardon qui lui sont destinées aujourd’hui, fais-lui éprouver toute la douceur de ton amour miséricordieux et conduis-le (la), comme moi-même, jusqu’à la pleine conversion de notre vie. Amen ».

Ici aussi, l’expérience me montre que ce genre d’accueil, tout en respectant la vérité du sacrement du pardon et donc en ne la bradant pas, laisse les pénitents dans une grande paix et les aide à assumer leur situation en conscience et dans la vérité.

Beaucoup de douceur et de patience

(…) Il est évident que, lorsqu’on explique ces choses aux personnes qui sont dans le cas, il faut employer tout le temps nécessaire et y mettre un infini respect et beaucoup de douceur, afin que la parole du Seigneur ne soit pas démentie : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le poids du fardeau, et moi, je vous soulagerai. Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez soulagement pour vos âmes » (Mt 11, 25-30).

Monseigneur Léonard invite à la conscience

L’archevêque du diocèse de Malines-Bruxelles, Monseigneur Léonard, était jeudi matin (3 novembre 2011) l’invité de l’émission radio Matin Première sur RTBF La Première. Interrogé par Hervé de Ghellinck, Mgr Léonard s’est exprimé sur une série de sujets touchant à l’actualité : crise grecque, pédophilie dans l’Église, mouvement des indignés… L’une des questions du journaliste portait sur la question des divorcés remariés.

Hervé de Ghellinck a relevé l’un des points des propos que Mgr Léonard a publiés dans le mensuel « Pastoralia » d’octobre, la revue de l’archidiocèse. L’archevêque y abordait la problématique des divorcés remariés et notamment leur participation à certaines tâches, comme celle d’enseigner la religion ou d’exercer une fonction de direction dans l’enseignement catholique. Mgr Léonard s’est dit très surpris des réactions qui résonnaient dans les catégories qu’il a connues avant le concile Vatican II : les interdits, les condamnations, les discriminations. Alors qu’il faisait simplement « un appel à la conscience personnelle ». Mgr Léonard ne juge pas les divorcés, mais il invite ceux qui sont dans cette situation à se poser la question : « Est-il opportun que je sois dans une position clé au point de vue de la transmission de l’enseignement de Jésus ? ». Pour Mgr Léonard, cette invitation à la conscience ne sonne ni comme un jugement ni comme un rejet, il a rappelé que le divorce contredisait l’indissolubilité du mariage, l’alliance voulue par Jésus Christ.

Ce texte a été publié dans la revue de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles, Pastoralia (octobre 2011, pp. 278-280), dans le cadre d’une série sur le sacrement du mariage. Le titre original est « Le sacrement de mariage. Le problème des divorcés remariés ». Source du texte de l’encadré: http://info.catho.be/2011/11/04/monseigneur-leonard-invite-de-matin-premiere/. Nous remercions Carlo Signore pour sa contribution à la publication de cet article dans didoc.be.

 

Voir aussi Alain Bandelier, Le mariage chrétien à l’épreuve du divorce et Stéphane Seminckx, Le meurtrier et le divorcé